Vendue
Certaines guitares sont à elles seules de véritables célébrités, au-delà même de leurs propriétaires. Elles n’ont pas besoin que l’on précise leur référence ou leur année, seul leur surnom suffit. Parmi les grandes bursts de ce monde, Spot tient une place de choix, et a la réputation d’être l’une des meilleures de cet univers très exclusif.
Spot commence sa vie comme une Les Paul Standard Sunburst en 1959, avec le numéro de série 9-1688. Dès le départ, elle est dotée d’une table tigrée particulièrement superbe et frappante. Ses deux micros PAF ont deux bobines couleur crème, les fameux “double white” qui sont devenus le Saint Graal des collectionneurs de bursts. Mais ça, on ne le saura que lorsqu’un propriétaire précédent enlèvera les capots chromés, qui ont disparu depuis. Un autre aura l’indélicatesse de lui installer un Bigsby, et la belle en garde de très discrètes traces.
On la connaît surtout comme la préférence de Joe Bonamassa, qui l’a énormément jouée en studio comme sur scène, au point qu’elle apparaît dans la plupart de ses DVDs (y compris le Royal Albert Hall), mais on voit aussi Spot en photo entre les mains de Billy Gibbons, et elle a appartenu aux plus grands collectionneurs de burst. Enfin, elle a été jouée sur scène par Derek Trucks, Bernie Mardsen et Marcus King, une liste qui continue de grandir en fonction des chanceux vers qui l’instrument gravite.
Entre temps, l’usure de Spot lui a donné son surnom puisqu’il reste un peu du rouge d’origine sous la forme d’une tache en bas du corps, et elle a gagné quelques superbes égratignures comme la trace évidente d’une boucle de ceinture à l’arrière. Les mécaniques d’origine ont été changées pour des Kluson de la même époque, elle a été refrettée mais l’étui Lifton d’origine l’accompagne encore. Dire que Spot est une guitare légendaire ne lui rend pas complètement justice tant il s’agit avant tout d’une excellente Les Paul, à la fois pleine et brillante, très facile à jouer et inspirante. Le fait qu’elle se retrouve dans une collection française est à la fois inédit et très excitant.
(1977)
Guitare principale : Gibson Les Paul Standard 1959
Titre à écouter absolument : Sloe Gin
Pas facile de s’inventer comme artiste adulte lorsqu’on a été un enfant prodige. Joe a été l’élève de Danny Gatton et le protégé de B.B. King alors qu’il n’était même pas encore en âge de conduire une voiture, et tournait avec le groupe Bloodline (avec d’autres enfants prodiges fils de stars comme Miles Davis ou Robby Krieger) avant de pouvoir voter. Mais tout aurait pu s’arrêter aussi sec, et d’ailleurs les autres membres de Bloodline ont tous disparu dans l’éther du show business. Mais Bonamassa a toujours eu une éthique de travail imparable, et à force de tourner il a fini par imposer son propre son et sa discographie solo.
Tout commence en 2000 avec A New Day Yesterday, un disque de blues tout à fait honnête sur lequel des invités comme Leslie West, Greg Allman et Rick Derringer viennent adouber le jeune musicien. À l’époque, Bonamassa joue sur Strat et Tele et l’influence de Stevie Ray Vaughan est encore audible dans beaucoup de ses phrases. Puis, petit à petit, il trouve sa propre voie lorsqu’il passe sur Les Paul et qu’il combine ses Marshall Silver Jubilee à quelques autres têtes boutique pour un résultat aussi bluesy que gras et organique. C’est aussi l’époque où le producteur Kevin Shirley commence à collaborer avec Bonamassa, une collaboration qui commence avec You & Me (2006) et continue à ce jour. Sloe Gin (2007) et Ballad Of John Henry (2009) sont autant de cartons qui installent la réputation de Joe comme le sauveur du blues, l’avenir d’un style que l’on croyait réservé aux baby boomers à l’aube de la retraite.
Depuis Bonamassa, n’a pas ralenti son rythme de tournée, et redouble d’inventivité pour varier ses spectacles, qu’il s’agisse d’un concert hommage à Muddy Waters et Holwin’ Wolf, d’une tournée hommage aux trois Kings du blues ou au British Blues Boom. Il joue aussi sur les albums de la chanteuse Beth Hart ainsi qu’avec les groupes Black Country Communion (aux côtés du bassiste chanteur Glenn Hughes) et Rock Candy Funk Party. En parallèle, la collectionnite aiguë de celui qui est né dans la guitare (son père tient un magasin) n’a fait que s’aggraver au point qu’il possède une dizaine de bursts, deux V Korina et un nombre ahurissant d’instruments rares. Pour autant, ces guitares ne sont pas stockées à l’abri puisqu’elles partent sur la route avec Joe. Après tout, elles ont été fabriquées pour ça.