Vendue
Les premières SG sont des instruments fascinants. Cette période de transition, ce court moment au cours duquel la SG Cherry Red s’appelait encore Les Paul, a donné des guitares qui sont parmi les meilleurs solid body jamais produites à Kalamazoo. Bien sûr, ces SG ne sont pas exemptes de tout reproche, en particulier leur système de vibrato qui ne fonctionne que très sporadiquement et a la fâcheuse habitude de désaccorder intégralement l’instrument.
Qu’il s’agisse du vibrato sideways de la toute première période ou du Vibrola des années suivantes, ces deux designs ne sont pas restés dans l’histoire comme des modèles d’efficacité. Mais il est toujours délicat de prendre la responsabilité d’en changer, tant chaque modification d’une guitare vintage peut durablement affecter sa cote. À ce titre, une SG comme cette 62 qui a déjà été convertie avec un stoptail est l’outil idéal pour un vrai musicien qui recherche un instrument utilisable avec le son d’une grande ancienne.
D’ailleurs, la conversion a laissé une très jolie cicatrice sur le bas du corps, trace qui permet aussi de reconnaître cette SG entre mille. D’ailleurs on la reconnaît sur des photos de Johnny Marr, puisqu’elle appartenait au légendaire guitar hero britannique qui s’en est essentiellement servi dans son projet The Healers. Les deux PAF de cette SG allient la nervosité et l’épaisseur dont il avait besoin au sein de ce groupe indie rock, et ceux qui connaissent le degré d’exigence sonore de Marr se doutent bien de la qualité de l’instrument. Marr a toujours été un chercheur de son, un accro aux textures sonores les plus envoûtantes. Les spécialistes le savent bien, les guitares vintage qui sonnent le mieux ne sont pas forcément les pièces de musée mint entièrement d’origine. Cette SG le prouve bien, puisqu’il s’agit tout simplement d’un des meilleurs exemplaires de ce modèle.
(1963)
Groupe : The Smiths
Guitare principale : Fender Jaguar signature
Titre à écouter absolument : What Difference Does It Make?
En tant que membre de l’un des groupes britanniques les plus importants des années 80, Johnny Marr aurait très bien pu abdiquer face à l’invasion des synthétiseurs et reléguer sa guitare au rang d’accompagnateur discret. Bien au contraire, il a fait des quatre albums de The Smiths autant de manifestes en faveur de l’énorme diversité de son que l’on peut sortir d’une guitare à condition d’avoir beaucoup d’imagination.
Il a bien sûr utilisé le chorus typique de l’époque, en lui donnant un côté rond et chaud qui manquait à beaucoup. Mais son originalité était surtout dans ses choix de phrasés, dans ses voicings d’accords, ses accordages et placements de capodastres, et son utilisation intelligente et très originale des cordes à vide. Aucune de ses parties de guitare n’est simple, et toutes contiennent des idées qui sont devenues parties intégrantes du morceau, au point qu’il manque quelque chose si on ne les joue pas exactement de la même façon.
La diversité des guitares qu’il utilisait était à l’image de cette richesse sonore : Rickenbacker, Telecaster de luthier, et bien sûr sa superbe ES-355 de 1959. Suite à la fin des Smiths en 1987, il s’est reconverti dans le travail de session, ce qui fait qu’on peut l’entendre sur des titres de Beck ou des Talking Heads. En parallèle, il a mené de front une carrière au sein de plusieurs groupes : The Pretenders d’abord, puis The The, Modest Mouse, Electronic ou encore The Cribs. Mais sa personnalité musicale la plus passionnante s’exprime à travers ses projets personnels : Johnny Marr & The Healers pour lequel il arbore une superbe SG Cherry Red, puis ses albums solos, sur lesquels on entend l’excellente Fender Jaguar signature qui porte son nom. Un musicien qui ne somme comme personne d’autre et qui exige une grande ouverture d’esprit de la part des fans qui le suivent de projet en projet.