Vendue
À l’exception notable de sa Telecaster de 1960, le félin du blues jazz Robben Ford ne s’est jamais arrêté sur une guitare pendant longtemps, préférant passer d’un instrument à l’autre en se laissant à chaque fois influencer par ce qu’il aura à lui inspirer, comme autant de collaborations artistiques. Parmi ces guitares, toutes sont évidemment excellentes (sans quoi Ford ne prendrait pas la peine de se pencher dessus), et toutes correspondent aux attentes bien précises du maestro.
Ainsi, cette SG Standard de la toute première période (elle porte encore le nom Les Paul sur le cache truss-rod, une distinction qui prend justement fin en 1963) a été son inspiratrice pour une bonne partie de l’album de 2015 Into The Sun. Si l’on en croit les vidéos des sessions d’enregistrement, c’est elle que l’on entend sur la plupart des parties électriques de l’album, et c’est notamment elle qui produit le son brûlant du final Stone Cold Heaven. Ford l’a d’ailleurs amenée sur la tournée correspondante, puis est passé à une autre guitare une fois qu’il a fait le tour de ce qu’une SG pouvait apporter à son jeu.
Entre temps il l’a transformée de façon à ce qu’elle corresponde à ce qu’il recherchait : elle a été refrettée en jumbo pour une meilleure fluidité de jeu, et les micros d’origine ont été remplacés par des Seymour Duncan Antiquity pour un grain plus moderne et prévisible. Enfin, plus surprenant, le vibrato d’origine était un sideways qui a été changée pour un Vibrola. À partir du moment où Robben ne se sert jamais du Vibrola comme d’un vibrato classique, on peut imaginer qu’il s’agit soit d’un choix esthétique, soit d’une préférence sonore tant ces deux designs influencent énormément la résonance des notes. Quelle qu’en soit la raison, cette player a donné au roi du blues moderne un son incandescent qu’il n’avait jamais eu auparavant.
(1951)
Guitare principale : Fender Telecaster 1960
Titre à écouter absolument : Talk To Your Daughter
Peu de guitaristes ont réussi une fusion aussi élégante entre blues et jazz que Robben Ford. Prenant la suite logique de son mentor et ami Larry Carlton, Ford est parvenu à conserver l’énergie brute du blues tout en amenant la sophistication de l’harmonie jazz et du jeu “out”. Son phrasé ne manque jamais d’élégance, mais il est servi par un son plus direct et brut que celui qu’ont choisi la plupart des guitaristes de jazz.
C’est d’ailleurs dans le domaine du blues que Ford a fait ses débuts professionnels, en accompagnant Charlie Musselwhite puis Jimmy Whitherspoon. Suite à ça, il a rejoint le groupe de fusion L.A. Express au sein duquel il a eu l’occasion d’accompagner Joni Mitchell et George Harrison, deux légendes à la recherche de sons nouveaux pour moderniser leur approche.
En 1976, Ford se lance enfin en solo, mais il lui faudra encore une dizaine d’années pour s’imposer sous cette forme. Entre temps, il joue avec Miles Davis et KISS (c’est dire l’étendue de la maîtrise du bonhomme) avant de sortir enfin l’album qui va le révéler aux musiciens du monde entier, Talk To Your Daughter en 1988. Avec cet opus, Ford trouve sa patte, sa signature, et il fait rugir sa combinaison idéale d’une Telecaster 1960 et de son Dumble Overdrive Special, un ampli que Dumble a conçu spécialement pour lui. Depuis, Ford continue d’explorer cette direction en s’imposant régulièrement des défis afin que sa production reste intéressante, comme lorsqu’il a décidé d’enregistrer A Day In Nashville (2014) en une seule journée de studio avec une seule et même guitare pour tous les titres, une Epiphone Casino qui n’est pourtant pas son instrument habituel. Un aventurier qui a trouvé sa vérité.